Remettre des cuisiniers dans les cantines, arrêter la nourriture industrielle, retourner au marché… Xavier Denamur, restaurateur et inlassable défenseur de la bonne bouffe, a mille et une idées pour retrouver le plaisir de manger. TE : On a l’impression que, dans notre alimentation quotidienne, l’offre de saveurs se rétrécit. Est-ce une illusion ? XD :Je crains que non. Il y a un formatage du goût. L’industrie agroalimentaire s’est donné pour mission de supprimer tout effort pour le consommateur. Du côté des producteurs, on privilégie les rendements. Du côté des transformateurs, on mise sur les saveurs les plus consensuelles. En bout de chaîne, on obtient des aliments mous, faciles à conserver et à préparer, mais aseptisés. J’aime bien le parallèle avec certains programmes télé. On nous sert du prémâché qui demande peu de réflexion, d’implication. On évite les aspérités afin de plaire au plus grand nombre, qui se contente de gober le tout avec passivité. TE: À quoi est due cette disparition du goût ? XD : Du champ à l’assiette, on perd des saveurs à chaque étape de la vie d’un produit. Première étape : le choix des variétés. La plupart ont été sélectionnées pour leur productivité, leur rythme de croissance mais rarement pour leur goût. Deuxième étape : les pratiques agricoles. Entre une pomme cultivée en biodynamie et une golden arrosée de produits chimiques, le goût n’a rien à voir. L’exemple du poulet est lui aussi édifiant. Comment voulez-vous qu’une bête programmée pour grossir en quarante jours, remplie de flotte, qui devient obèse, malade et incapable de tenir sur ses pattes si on ne l’abat pas à temps, ait le même goût qu’un poulet qui aura galopé cent vingt jours ? Ensuite, le circuit de distribution est important.